Je veux vous parler de Chantal comme camarade d’art, vous parler de notre connivence artistique depuis 20 ans je crois, et de cette étroite fusion ou liaison qu’il y avait chez elle entre la personne et l’artiste, entre elle-même et sa peinture.
Je me souviens de notre première rencontre sous le signe du hasard… et de la nécessité sans doute.. C’était au bord d’une route nationale du côté de Guéret.. Chantal et Micheline revenaient du château de Nieul, près de Limoges, où Jacqueline Chardon Lejeune avait organisé une exposition et elles s’étaient arrêtées sur le bord de la route. Moi, Je revenais de mon Poitou natal avec Françoise par la même route.. .et qu’est-ce que je vois ? Micheline que je connaissais dèjà pour être venu à Lyon avec mon ami Laurent Danchin ( disparu lui aussi récemment) pour une conférence organisée par Micheline et sa galerie Poisson d’or…. Galerie devenue mythique aujourd’hui et où Chantal à fait sa première exposition et la première expo de la galerie . C’est donc ainsi que j’ai connu Micheline et Chantal : de grandes amies, des sœurs en art et qui ont vécu l’art de l’intérieur en toute complicité…et la vie aussi : elles ont voyagé beaucoup, sont même allées en Chine…Et même à St -Tropez avec Françoise et moi.
Parler de la peinture de Chantal, c’est parler d’elle-même tant elle était sa peinture, tant elle était dans sa peinture, tant elle était un personnage de sa peinture et que le monde entier, visible et sous-jacent, était dans sa peinture. Car c’est bien ce qui caractérise les vrais et grands artistes, cette liaison étroite , cette indissociabilité entre leur vie, leur art et le monde.
Le rapport qu’entretenait Chantal avec le monde, avec les mouvements des gens, des animaux, des objets du quotidien était en effet de l’ordre de l’immersion rêveuse, de l’attention à la fois douce, flottante et acérée, de la distance ou de l’étrangeté de proximité. Il y a dans ses écrits comme dans sa peinture une dimension de « fantastique » familier, d’autant plus forte qu’elle reste humble, non spectaculaire et à peine suggérée, d’autant plus dense que cette surréalité distanciée est incrustée dans la peinture et se nourrit du contact étroit avec la réalité quotidienne.
Le sentiment global, immédiat, bienveillant, non analytique qu’elle avait envers les êtres et les choses de la vie constituait comme une substance vécue et vivante qui se faisait peinture. Ce sentiment n’était pas l’objet de la peinture : il était sa matière sensible et c’est avec celle-ci que Chantal a créé son écriture à elle, sa propre palette sensuelle et généreuse et son vocabulaire plastique personnel et unique.
La peinture de Chantal ne raconte pas, ne décrit pas, ne s’éloigne jamais d’elle-même pour rester toujours dans l’intimité sensible d’un vécu proche, comme lointain et permanent mystère. Une peinture figurative certes, qu’on peut même dire narrative, mais une peinture venue de l’intérieur du regard pour mieux aller au-delà de lui, dépasser son sujet figuré, traverser les apparences, transcender la représentation, s’épanouir en douce poésie, questionner silencieusement sa propre présence au monde.
Chantal n’est plus présente en ce monde, mais sa peinture est là…et c’est une manière pour elle de ne pas nous avoir quittés.
Pierre Souchaud (avril 2017)